Susy Clark - The Drug Addict Girl - ||UC||

17h59. Cabinet du Dr. Ann.

Une sonnerie qui retentit. Une femme qui se lève. Une porte qui s'ouvre. Et la jeune fille qui entre. C'est ici que nous commencerons. Bienvenue dans le bureau du docteur Veronica Ann, psychologue spécialisée chez les jeunes adultes en difficultés. La femme se tient debout, derrière son bureau, la main tendue vers la jeune fille. Celle-ci lance un regard dédaigneux, et la femme renonce. Sa main se retire, mais elle ne s'assied toujours pas.

Docteur Ann : « Bonjour. Je suis le Docteur Veronica Ann. Asseyez-vous, je vous en prie. »

Susy ne répond, tire la chaise, faisant hurler les pieds sur le sol pavé. La femme fait mine de rien, s'assied, prend un dossier, l'ouvre. Alors, voyant qu'elle ne suscitait pas l'attention, Sue se laisse tomber sur la chaise, bras croisés sous la poitrine.

Docteur Ann : « Veuillez décliner votre identité, s'il vous plaît. »
Sue : « Susy Clark, née le 7 décembre 1990, 17 ans, appelée plus communément Sue. »

Pas plus de formalités pour Susy. La femme note le tout dans le dossier. Elle ne lève pas le nez. Sue sait qu'elle ne l'aimera pas. En plus, elle avait pas choisi de venir ici. C'est eux qui l'avait envoyée. Elle avait acceptée. Enfin, elle le supposait. Elle s'en souvenait pas. Trop défoncée ce jour-là pour ça. Alors, patiemment, elle écoute. Mais elle sait que se sera long. Et qu'elle n'aimera pas ça.

Docteur Ann : « Nous allons commencer. Vous pouvez vous allonger dans le divan. »

Elle désigne un immonde sofa vert pomme qui jure avec les murs oranges. Sue fait la grimace, mais elle est pas d'humeur à trop broncher. Alors, elle se lève, va s'coucher, attends. La femme vient s'asseoir à côté, dans un fauteil rouge, style baroque. Enfin, Susy sait pas. Elle sait pas faire la différence entre tous ses styles d'art. C'est pas trop son truc, en fait.

Docteur Ann : « Nous allons parler un peu de vous. Commencez par vous décrire physiquement. »

Susy tourne vers la psy son regard vide, avant de reporter au plafond ses yeux.

Sue : « Si vous y tenez. Bon. Vous pouvez constater que je suis une fille. J'ai de la poitrine, mais pas trop. P'têt 85 B, pas plus. Mais j'm'en fiche. Toutes les filles fantasment sur une poitrine siliconée à mort et sur des décoletés pigeonnants. Je m'abaisse pas à ce niveau. J'suis pas un garçon manqué. Faut pas croire ça. J'peux être aussi féminine que cette Princesse de pacotille. Seulement, je le montre moins. Pouvez noter ça! Mes groupies me trouvent bien foutue. Moi, je laisse dire. Franchement, passer mon temps à m'admirer dans une glace, merci bien. Mais, dans l'ensemble, je m'aime bien.

Vous voulez que je commence par quoi? Mon visage peut-être? Très bien. Mes yeux sont vert-bruns. Ca veut dire qu'ils sont bruns avec des tâches vertes dedans. Je tiens à préciser qu'ils ne sont pas kakis, alors vous notez dans votre dossier qu'ils ne sont pas kakis! Et puis, si vous regardez bien, le brun est dominant. Enfin, bref. Je me maquille. Uniquement Eye-Liner et mascara. Autour des yeux. Et du rouge à lèvres aussi. Rouge, bien fort. Celui qui se remarque du premier coup d'oeil. J'aime bien me faire remarquer. En plus, j'ai la peau fort pâle, ça ne fait que s'accentuer avec mon maquillage. Mais je ne suis pas une fille superficielle pour autant. Notez ça aussi. Je ne tiens pas à basculer dans un univers Barbie. C'est pour ça que je me maquille de la sorte. Comme tout le monde, en sortant du lot. C'est pour ça que je suis populaire.

Mes cheveux sont bruns foncés, avec quelques mèches rouges. Encore une façon de faire comme tout le monde en se différenciant. Personne au lycée avait encore osé les mèches rouges dans des cheveux comme les mieux. En plus, mes cheveux sont beaux. Ils ont du volume, et j'ai eu la bonne idée de les laisser long, coupés nets avec une frange. Parfois, j'y mets un noeud, mais ça, c'est mon style. Et puis, je ne le fais pas souvent. Mais peu importe. Vous voulez savoir autre chose? Ma stature? Très bien. Je suis petite, 1m60. Plutôt frêle, 47 kg. Mais vous laissez pas prendre : Je sais cogner et me défendre.

Enfin, pour ce qui est du style... Au lycée, ils me trouvent punk. Mais pour moi, c'est pareil. Je m'habille comme je veux. Et tant pis si les gens pensent que ça fait punk.»

La femme note à nouveau dans le dossier. Susy la regarde faire, mais n'essaye pas de deviner les notes.

Docteur Ann : « Bien. Maintenant, décrivez-vous psychologiquement. »

Susy soupire. Elle n'aurait jamais dû accepter, défoncée ou pas.

Sue : « Bien. Autant jouer franc-jeu. Je suis une peste. Une vraie peste. Je suis absolument fière de dire que j'adore emmerder mon monde, cracher mon venin sur le dos des autres. J'aime ça. Vous savez, c'est comme une thérapie personnelle. Quand vous avez passer votre enfance dans un quartier pourri, faire du mal aux autres, c'est ma vengeance, ma façon de me dire que je vaux mieux qu'eux. Vous allez sûrement me dire que ce n'est pas le cas, mais je m'en fiche : je suis têtue. Vous voulez peut-être une analyse plus approfondie encore de ma personnalité? Très bien, vous l'aurez cherché...

Comme je vous l'ai dit, je suis une personne détestable. Mais, étonnement, se fut ce trait de ma personnalité qui m'a valu ma popularité. On commence en bas de l'échelle, on vous surnomme Miss Potins, et puis, votre côte grimpe en flèche, et vous vous retrouvez dans un cercle très fermé, les "Famous". Mais, techniquement, je suis détestée. Surtout par le Prince et la Princesse. Il faut dire que les meilleurs ragots émanent d'eux... Oui, je suis une grande gueule. Les gens doivent certainement se demander quand je vais la fermer, une bonne fois pour toutes. Je pourrais leur répondre ceci : Jamais. Même le jour de ma mort, je trouverais encore quelque chose à dire de méchant sur quelqu'un. Les gens pensent que parce que je suis le plus claire de mon temps défoncée, je suis inoffensive. Ils ont tord. Lorsque j'ai les idées bien claires, je frappe plus fort. Et quand Susy Clark frappe, cela fait toujours mal.

Et puis, je suis une battante. Vous savez, il me faut bien ça. A mon sujet, il y a des dizaines de rumeurs qui ont déjà circuler. Ceux du bas de l'échelle baisse la tête, encore un peu plus. Mais lorsque vous êtes tout en haut, bien fière, c'est toutes ces rumeurs qui peuvent vous descendre en deux temps, trois mouvements. Mais pas moi. Je garde la tête haute, sans honte. Ils peuvent dire ce qu'ils veulent à mon sujet, toutes ces paroles ne font que ricocher sur moi. Cela ne m'atteint pas. J'ai une forte capacité d'indifférence envers les autres. Je suis également très têtue. Ca peut être un défaut, et beaucoup le dise, mais je ne me laisse jamais marcher sur les pieds. Ce n'est pas mon style. Dans ces moments-là, je n'hésite pas à frapper. Il faut faire très attention avec moi. Et puis, je vais toujours au bout des choses. Lorsque je décide que je dois faire quelque chose, je le fais. Je ne fonce pas tête baissée, ce n'est pas ça. C'est juste que je veux arriver à mes objectifs. Et, la plupart du temps, ma combativité peut me rapporter gros. »

La femme note à nouveau, puis reprend la parole:

Docteur Ann : « Avez-vous un signe particulier? »

Susy réfléchit, puis finit par répondre :

Sue : « Je porte tout le temps les mêmes chaussures, les Rocking Horses Ballerina de Vivienne Westwood. »

La femme écrit tout.

La femme reprend.

Docteur Ann : « Maintenant, vous allez me parler de votre histoire. Racontez-moi tout. »

Sue grimace. Sur sa liste de choses à faire, celle-ci était sans doute la dernière à faire, après s'enfoncer des fourchettes dans les yeux. Mais elle jugea que ce n'était pas vraiment le moment choisi pour piquer sa crise, surtout chez la psy. Sinon, elle pouvait dire adieu à AHS.

Sue : « Vous le regretterez. Je commence paa quoi? Ma famille? »

Docteur Ann : « Oui, s'il vous plaît. »

Sue : « Je déteste ma famille. Je la hais jusqu'au plus profond de mon être. Si vous étiez ma mère, j'vous frapperais à mort. Et si vous étiez mon père, je ferais la même chose. Il n'y en a pas un que je déteste plus que l'autre. Ils sont tous les deux pareils. Ils ne valent rien. Pas à mes yeux. J'me demande si ils sont même toujours en vie. De toutes façons, ça me passe au dessus de la tête. Mon père était alcoolique, ma mère dépressive. Je suppose quez vous pouvez imaginer l'enfance heureuse que j'ai eue... Mais ce n'est pas tout : on croulait sous les dettes à cause d'eux. Vous savez, ça veut se marier, faire des enfants. Mais ça en a pas les moyens. Mais ça se dit "Tant pis, on fait tout ça quand même!" et ça se retrouve dans la merde. C'était à peine si on pouvait dire qu'ils avaient un boulot tellement ceux-ci étaient minables. C'est bien pour ça que j'ai fugué de chez moi. »

La psy ne dit rien, griffonne quelques mots dans la case prévue à cet effet dans le dossier.

Docteur Ann : « Maintenant, votre histoire... »

Sue réfléchit...

Sue : « Ne vous attendez pas à une histoire toute rose...

Je suis née un 7 décembre, vous savez, un de ces jours où la pluie tombent à n'en plus finir, et vous vous retrouvez aussi trempés qu'après un bain toute habillée. C'est un jour comme ça que je ne suis née...

Non, reprenons. Je ne sais pas du tout quel temps il faisait le jour où je suis née, mais pendant toute mon enfance, ma mère n'a cessé de me répéter que j'étais comme une sombre journée de pluie, alors, j'ai supposé que je suis née un jour de pareille météo. Mais je ne sais pas comment il faisait le jour où j'ai poussée mon premier cri. Peut-être le soleil était-il radieux... Mais je m'en fiche. Et là n'est pas la question. Je suis née, je suis là. Je déteste les gens qui tournent autour du pot. Alors, je suis plutôt directe et franche.

Je ne me souviens que très peu de ma petite enfance. J'me rappelle juste du taudis dans lequel je vivais, et du quartier pourri où on habitait... Mais j'ai encore d'autres souvenirs frappants...»

Une petite forme assise dans un petit fauteuil pour enfant rouge vif. Une petite fille, aux cheveux blonds coupés mi-long. Elle joue avec un bout de chiffon, marmonnant toue seule. Et puis, soudain, une porte qui s'ouvre. La petite relève la tête, regarde le nouvel entrant, un homme massif, robuste, aux cheveux bruns foncés. Son père. A la main, une sempiternelle bouteille d'alcool.La petite baisse les yeux, retourne à sa pseudo-poupée. Avant que sa mère n'arrive. Une femme, petite et blonde, aux yeux malades, sort d'une pièce qui se veut être une cuisine, mais qui ressemble à ce genre d'endroit où vous allez déposer tout ce qui ne vous sert plus à rien. Elle est maigre, bien trop maigre. En fait, elle ne mange pas. Avec sa dépression chronique, ça ne lui donne pas assez de force pour avaler quoique ce soit. Enfin, ça lui arrive de s'alimenter, mais rarement. Et puis, l'homme s'adresse à la femme:

-Qu'est-ce que la gamine fait ici?!

Sa voix rugit, grave et forte.

-Elle a pas voulu aller à l'école... , explique la femme.

Alors, l'homme s'approche de l'enfant, la saisit par la bras, la soulève du fauteuil.

-Alors, Susy?! T'as encore fait ta crise hein?!
-Lâche-moi! Lâche-moi, gros tas!

La petite se débat, lance des coups de pieds dans le vide. Alors, son père la repose par terre, et la gifle.

-Tu m'causes pas comme ça, OK?!

La violence du coup fait valser la gamine, qui chancelle et tombe. La piqûre des larmes lui monte aux yeux, mais elle renifle un bon coup pour s'empêcher de fondre en sanglots. Elle sait que son père a trop bu. Alors, elle va dans sa chambre. Le taudis n'est pas assez grand que pour avoir deux étages. Susy avait 5 ans.